Les traitements médicamenteux et gestes d’urgence en cardiologie
7 Les traitements médicamenteux et gestes d’urgence en cardiologie
7.1 Classes médicamenteuses
7.1.1 Freinateurs du coeur
Béta-bloquants
Le système nerveux autonome (non conscient) agit sur les récepteurs Béta du coeur en stimulant la contractilité et en accélérant la fréquence cardiaque.
Ces médicaments bloquent partiellement les récepteurs Béta :
Ralentissent la fréquence
Diminuent la contractilité
Indications : maladie coronarienne (économise la consommation d’O2)
Hypertension artérielle
Insuffisance cardiaque (certains produits)
Troubles du rythme (certains produits)
Effets II : fatigue initiale (limitation de la fréquence à l’effort)
Baisse de la TA
Bradycardie excessive (risque de malaises)
Extrémités froides (blocage de récepteurs vasculaires)
Molécules : Propanolol Bisoprolol Acébutolol (Sectral*)
Aténolol (Ténormine*) Métoprolol (Lopressor*) Nébivolol (Témérit*)
Céliprolol (Célectol*) Bétaxolol (Kerlone*) Sotalol (Sotalex*)
Nadolol (Corgard*) Labétalol (Trandate*) Carvédilol (Kredex*)
(molécules les plus utilisées, en dehors des associations)
Ivabradine (Procoralan*)
Molécule originale qui agit directement sur les cellules nerveuses cardiaques
Ralentit l’automatisme (baisse de la fréquence sans autre effet)
Utilisé quand les béta-bloquants sont mal tolérés (TA basse surtout)
Effet II possible : scotomes (taches souvent jaunes dans le champ visuel)
7.1.2 Vasodilatateurs
Ces médicaments vont dilater les vaisseaux, ce qui va faire baisser la pression artérielle. Ils sont classés selon leur mécanisme d’action.
Inhibiteurs du système rénine-angiotensine
Quand la perfusion diminue, le rein va sécréter de la rénine. Celle-ci va activer le Système Rénine Angiotensine (SRA) en transformant l’angiotensinogène en angiotensine 1. Celle-ci va à son tour être transformée en angiotensine 2 (AT2) qui est la forme active du système, grâce à l’Enzyme de Conversion. L’AT2 va se fixer sur un récepteur vasculaire qui entraîne une vasoconstriction puissante. Cet effet permet de remonter la TA. L’AT2 a également une action indirecte en stimulant les glandes surrénales qui vont sécréter l’adrénaline et l’aldostérone (voir diurétiques)
Il existe 2 familles de médicaments qui vont bloquer (en partie) le système :
Les Inhibiteurs de l’Enzyme de Conversion (IEC)
Diminuent la synthèse de l’angiotensine 2
Les Antagonistes des Récepteurs de l’Angiotensine 2 (ARA2) encore appelés « sartans »
Bloquent le récepteur, donc l’action de l’angiotensine 2
Ils diminuent la TA (vasodilatation) et soulagent le coeur (diminuent la pression en aval)
Ils sont prescrits dans l’hypertension et l’insuffisance cardiaque
Effets II : baisse de la TA (si excessive : malaise, fatigue)
Toux réflexe (avec les IEC) en ce cas, ils sont remplacés par un ARA2
Les IEC : Périndopril (Coversyl*) Ramipril (Triatec*) Enalapril Lisinopril (Zestril*) Quinapril (Acuitel*) Trandolapril (Odrik*) Zofénopril (Zofényl*)
Les ARA2 : Valsartan (Tareg*) Candésartan (Atacand*) Irbésartan (Aprovel*)
Losartan (Cozaar*) Telmisartan (Micardis*)
Associations : Covéram* (périndopril+amlodipine)
Cosimprel* (bisoprolol+périndopril)
Préminor* (ramipril+amlodipine)
Entresto* (valsartan+sacubitril) = médicament de l’’insuffisance cardiaque
Nombreuses associations avec un diurétique (hypertension)
Indications : hypertension artérielle
Insuffisance cardiaque (soulagent le cœur)
Maladie coronarienne (protège de l’athérome)
Inhibiteurs du canal calcique
Ces médicaments ont une action directe sur la paroi des vaisseaux, en limitant l’entrée de calcium ce qui provoque une relaxation de la paroi. Cela fait baisser la TA, et au niveau des artères coronaires a une action préventive sur les douleurs d’angine de poitrine.
La plupart entrainent une légère accélération cardiaque, sauf 2 molécules qui au contraire ralentissent le cœur (Diltiazem, Vérapamil).
Molécules : Diltiazem (Tildiem*) Vérapamil (Isoptine*) Amlodipine (Amlor*)
Félodipine (Flodil*) Isradipine (Icaz*) Nicardipine (Loxen*)
Nitrendipine Lercanidipine (Lercan*) Nifédipine
Manidipine (Iperten*)
Indications : hypertension artérielle
Maladie coronarienne
Dérivés nitrés
Trinitrine (dérivée de la nitroglycérine)
Induit une augmentation de monoxyde d’azote (NO)
Substance gazeuse de demi-vie courte = puissant vasodilatateur
Agit sur les veines > artères
Diminution de la consommation d’O2 du myocarde
Redistribution du débit coronaire
En cas de douleur thoracique = seul médicament de la crise d’angor
Ex : Natispray*, Isocard spray*
Risque de chute tensionnelle : ne jamais faire en position debout +++
Effet identique à une injection intraveineuse
En pratique : s’asseoir
Amorcer le spray (1 à 2 pulvérisations)
1 pulvérisation sous la langue (garder en bouche)
Refaire si douleur persiste ou revient après 5min maximum
Appel du 15 si persiste
Peut aussi être utilisé en préventif (avant de faire un effort)
Au long cours en préventif : sous forme de patchs cutanés (16h sur 24 maximum !)
Discotrine*, Nitriderm*, Trinipatch*, Epinitril*
Il ne faut pas les laisser en continu (épuisement de l’effet)
Dérivés en comprimés : Molsidomine (Corvasal*), Nicorandil (Ikorel*)
7.1.3 Diurétiques
Le rein a en particulier comme fonction de réguler la sortie de Na = sodium (NaCl = sel) dans les urines, et possède un système de réabsorption du Na.
Ces médicaments diminuent l’action de ce système en favorisant la fuite de sel et d’eau dans les urines (« l’eau suit le sel »), d’où une augmentation des urines et une baisse du volume sanguin.
Cela entraîne une baisse de la TA et soulage le fonctionnement cardiaque.
Différentes molécules sont utilisées :
Furosémide (Lasilix*) Bumétanide (Burinex*)
= action rapide et puissante pour l’insuffisance cardiaque
Hydrochlorothiazide ou HCTZ (Esidrex*)
Indapamide (Fludex*)
= action plus douce et prolongée pour l’hypertension (seul ou en association)
Spironolactone (Aldactone*) Eplérénone (Inspra*)
= mécanisme d’action différent en diminuant la sécrétion d’aldostérone
(L’aldostérone : sécrétée par les glandes surrénales entraîne une réabsorption de sodium (rein, intestin) d’où une augmentation de la volémie (l’eau suit le sel). L’Angiotensine 2 stimule sa sécrétion. Ceci permet de lutter contre une baisse de TA).
Ces médicaments « anti-aldostérone » sont utilisés dans l’hypertension et l’insuffisance cardiaque.
7.1.4 Autres anti-hypertenseurs (plus rarement utilisés)
Urapidil (Eupressyl*) et Prazosine (Alpress*)
Ce sont des bloqueurs des récepteurs vasculaires alpha (tonus vasoconstricteur)
Risque élevé d’hypotension orthostatique (malaise en position debout)
Rilménidine (Hypérium*) et Moxonidine (Physiotens*)
Médicaments d’action centrale (cérébrale)
Effets II fréquents (bouche sèche, somnolence)
Contre-indiqué en cas de dépression sévère
7.1.5 Fluidifiants du sang
Anti-agrégants plaquettaires
Ces médicaments empêchent l’activation des plaquettes qui sont des petites cellules sanguines qui vont se coller à la paroi de l’artère quand celle-ci est inflammatoire, siège d’une plaque d’athérome évolutive (cf maladie coronaire). En l’absence de médicament, il y a formation d’un caillot sanguin qui peut boucher l’artère rapidement (risque élevé d’infarctus).
Ils sont indiqués en cas de syndrome coronarien aigu et chronique.
Après angioplastie (dilatation) d’une artère coronaire, et mise en place d’un « stent », il est primordial de prendre ces médicaments quotidiennement.
En général, il est proposé une association de 2 molécules pendant quelques mois puis 1 médicament à vie.
Molécules : aspirine (Kardégic*) clopidogrel (plavix*) ticagrélor (brilique*)
Prasugrel (Efient*) aspirine+clopidogrel (duoplavin*)
Effets II : risque de saignement (nez, gencives, hématomes…)
Brûlures de l’estomac (aspirine)
En cas d’oubli plusieurs jours : risque de boucher une artère ou un stent +++
Anti-coagulants oraux directs
La coagulation du sang est un phénomène complexe. Il y a un équilibre permanent pour permettre au sang de s’écouler de façon fluide dans les vaisseaux, mais de pouvoir coaguler rapidement en cas de brèche ou d’anomalie de la paroi des vaisseaux (comme l’athérosclérose).
Il existe une cascade d’activation de différents facteurs de la coagulation que certains médicaments vont cibler pour limiter le risque de caillot.
Dabigatran (pradaxa*) inhibe le facteur II (thrombine)
Rivaroxaban (xarelto*) et apixaban (eliquis*) inhibent le facteur X
Indications : trouble du rythme de type fibrillation atriale
Phlébite (caillot veineux)
Embolie pulmonaire
Effets II : hémorragies (nez, gencives, urines)
Hémorragie digestive (pouvant détecter une tumeur)
Pas de surveillance sanguine
Anti-vitamine K (cf également chapitre 6.1 valvulopathies)
Ces médicaments plus anciens limitent la synthèse de plusieurs facteurs de la coagulation dépendant de la vitamine K. L’action est plus lente et prolongée.
Le risque d’interaction est important avec de nombreux médicaments +++
L’équilibre atteint est difficile à maintenir et nécessite de surveiller la coagulation par une prise de sang régulière : dosage de l’INR (International Normalized Ratio).
Celui-ci est spontanément de 1, l’objectif est de le faire monter entre 2 et 3 le plus souvent.
La dose du médicament sera ajusté en fonction.
Le suivi nécessite la tenue d’un carnet d’AVK.
Les indications sont restreintes actuellement :
Présence d’une prothèse valvulaire mécanique
3 premiers mois après chirurgie cardiaque
Warfarine (coumadine*) est le seul prescrit actuellement
En cas de prescription définitive, le patient peut être formé à l’utilisation de l’automesure de l’INR qu’il peut faire à domicile (CoaguChek*).
Cela nécessite une formation ETP aux AVK et au CoaguChek.
7.1.6 Régulateurs du rythme cardiaque
Les médicaments antiarythmiques sont de maniement délicat, avec de nombreux effets secondaires qui limitent leur utilisation. De plus, le développement des techniques d’ablation permet de limiter au maximum leur prescription.
Ils agissent sur le mécanisme de la contraction cellulaire (potentiel d’action) en diminuant l’activité de canaux situés sur les membranes des cellules du myocarde (canal sodique, canal potassique, canal calcique). Ils peuvent avoir des effets paradoxaux (inverses et donc provoquer des arythmies) en particulier en cas de maladie coronarienne et d’insuffisance cardiaque.
Amiodarone (cordarone*) est le plus utilisé car est très efficace et a peu d’effets paradoxaux. Il ralentit le rythme cardiaque et protège en partie contre le risque d’arythmie atriale et ventriculaire.
Effets II : dérèglement de la thyroïde
Interactions médicamenteuses
Photosensibilisation au soleil ++ avec coloration grise de la peau
Dépôts sur la cornée (pouvant nécessiter l’arrêt du traitement)
Les autres molécules sont moins utilisées :
Flécaïnide (flécaïne*) propafénone (rythmol*) cibenzoline (exacor*)
Disopyramide (rythmodan*) hydoquinidine (sérécor*)
Essentiellement dans la fibrillation atriale ou troubles du rythme ventriculaire en prévention des récidives
La surveillance cardiologique est indispensable (suivi sur l’ECG)
7.2 Les gestes d’urgence
7.2.1 Reconnaître un arrêt cardiaque
La personne perd connaissance
Elle ne respire pas
Le pouls est inexistant ou filant
Aucune stimulation n’est efficace
7.2.2 Gestes à faire
appeler ou faire appeler le 15
Allonger la personne dans une zone en sécurité sur une surface dure
Débuter le plus vite possible un massage cardiaque
Se mettre à genoux, bras tendus au milieu de la poitrine
Appuyer tout le corps en cadence (éviter la fatigue ++)
Pressions fortes (enfoncer la cage thoracique de 5cm)
Bien remonter les mains entre chaque pression
Rythme à environ 100 / min (chanson « stayin alive » des Bee gees)
Il n’est plus recommandé d’effectuer du bouche à bouche (cela interrompt le massage)
Chercher si un défibrillateur est disponible (dès que possible)
Si oui, placer les électrodes et suivre les instructions
Si non, continuer à masser jusqu’à l’arrivée des secours
Se relayer avec d’autres personnes est recommandé
Tout professionnel de santé et intervenant auprès d’un public de patients devrait se former aux gestes qui sauvent.